« Les entreprises doivent se transformer pour pouvoir durer »

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Markus Bluthner (unplash)
Markus Bluthner (unplash)

Pour avoir un réel impact, les entreprises ont à se mobiliser davantage. Elles devraient même avoir comme objectif majeur « d'accroître les effets positifs, plutôt que de compenser les effets négatifs », indique dans une tribune Jérémie Joos, associé co-responsable du centre d'excellence ESG KPMG, et Ghislain Boyer, directeur au sein du centre d'excellence ESG KPMG.

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Note : l'introduction a été rédigée par Ekopo, à qui les auteurs ont proposé la tribune suivante. Elle n'a pas été amendée avant publication. Les intertitres sont d'Ekopo.


Si la prise en compte des trois piliers de l'ESG (Environnement, Social et Gouvernance) par l'économie est aujourd'hui soutenue par un cadre réglementaire qui se structure et s'accélère, les éléments de visibilité quant à la mesure de l'impact demeurent assez flous, sauf pour quelques pionniers. Les entreprises, dans leur grande majorité, ont mis en place des processus, mobilisé des compétences et des technologies ou sollicité des expertises externes, mais très peu ont intégré l'ESG comme un levier de planification stratégique avec comme objectif majeur d'accroître les effets positifs et réduire les effets négatifs, plutôt que de compenser les effets négatifs.

Si nous constatons un indéniable changement de paradigme, à la mesure des facteurs exogènes (difficultés d'accès aux ressources, changement climatique, effondrement de la biodiversité, nouvelles aspirations sociétales, etc.) qui viennent questionner les modèles d'affaires des entreprises, comment passer d'une démarche défensive à une dynamique offensive ?


Appréhender les impacts dans leurs globalités

Face aux crises multidimensionnelles, l'effort des acteurs économiques doit s'accroître, en étant encadré par des règles plus rigoureuses visant à accélérer la transformation de leurs modèles. Une réglementation solide, comme la Corporate Sustainability Reporting Directive (la CSRD est une directive européenne visant à harmoniser le reporting de durabilité des entreprises et d'améliorer la disponibilité et la qualité des données ESG publiées), qui offre un espace de dialogue et de consignes communes permet d'avancer positivement. Mais ces cadres ne seront efficaces qu'à la condition de reposer sur des diagnostics solides et appuyés sur la science, qui permettront aux parties prenantes d'évaluer les avancées positives comme négatives sur la base d'informations pertinentes et d'en tirer les conséquences.

Si nous prenons l'exemple de la décarbonation (réduire, éviter, compenser), certaines entreprises s'attachent à quantifier leurs émissions de carbone en proposant, pour certains postes résiduels ne pouvant pas être diminués dans l'immédiat, de simples politiques de compensation. L'un des leviers consiste à investir dans des projets de reforestation. Dans une optique de résultats immédiats, des essences à croissance rapides sont plantées très densément sur de grandes surfaces, entraînant un appauvrissement des sols, une détérioration de la biodiversité, et un accroissement des risques naturels en cas d'incendie ou de tempête.

Un impact très discutable à moyen et long terme. Il est donc impératif de s'appuyer sur la science et d'appréhender l'impact dans sa globalité pour comprendre les interactions entre les différents phénomènes et prendre des décisions éclairées, au-delà d'effets d'annonce.

Se mobiliser pour passer à la contribution

Pour les entreprises soucieuses de se transformer pour durer, il est important d'envisager les enjeux ESG dans leur complexité. Celles-ci doivent dépasser le carcan d'une approche cantonnée aux standards réglementaires, et se mobiliser pour passer à la contribution (séquestrer plus de carbone qu'émis, protéger la biodiversité plutôt que de la restaurer, améliorer la santé physique et psychique des salariés, etc.).

Les réglementations étant de plus en plus contraignantes, elles deviennent progressivement non différenciantes sur les marchés. À ce titre, les entreprises n'ont plus seulement intérêt à se mettre en conformité, mais à faire de la compliance un levier de performance en intégrant l'ESG dans leur stratégie financière, dans celles de développement et dans leurs opérations.

L'heure est à la structuration et la professionnalisation pour avoir un réel impact mesurable et mesuré. Ainsi, un outil comme la matrice de double matérialité, telle que prônée par la CSRD, peut aider les dirigeants et les entreprises à mettre l'accent sur les principaux enjeux, mais surtout à passer à l'offensive à la lecture du triptyque des IROS (1).


Les entreprises n'ont pas d'autre choix que d'investir massivement

Pour atteindre leurs objectifs, et malgré le contexte macroéconomique, les entreprises n'ont pas d'autre choix que d'investir massivement. La planification des investissements doit être à la hauteur des enjeux. En France et en Europe, les gouvernements sont soucieux d'accompagner ces transformations en poussant à l'exemplarité grâce à de nombreuses subventions favorisant les bonnes pratiques (France 2030, EU Green Deal). En parallèle, l'industrie financière, elle-même sous la pression de la réglementation ; mais aussi pour se réinventer, donne de plus en plus la priorité au financement des projets de transition des entreprises, sous réserve qu'ils soient argumentés et documentés avec les bons indicateurs de performance extra-financière.

D'ailleurs, de premiers exemples démontrent que stratégies ESG volontaristes (produits à plus faible impact environnemental, dispositifs de juste rémunération des producteurs...) et création de valeur pour l'entreprise vont de pair. Quand d'autres démontrent que coalitions et approches « end-to-end » ouvrent de nouvelles perspectives.

Enfin, au-delà du volet financier, il est indispensable que les entreprises forment et impliquent leur gouvernance et leurs dirigeants. Les trois dimensions financières, industrielle et humaine doivent fonctionner ensemble au service de la performance ESG réelle : il est temps de passer à l'action !

(1) IRO pour Impact Risque Opportunités : pour définir la matérialité d'un sujet de développement durable de l'entreprise, la CSRD définit des critères sur la matérialité impact (impacts positifs ou négatifs) ou la matérialité financière (risques ou opportunités), ou les deux. Il s'agit de la double matérialité.

 
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