« Nous travaillons de plus en plus sur des projets liés à la santé publique »

Publié par Astrid de Montbeillard le - mis à jour à
« Nous travaillons de plus en plus sur des projets liés à la santé publique »

La plateforme Love for Livres mise sur les émotions pour trouver et partager des conseils de lectures, mais va encore plus loin en renforçant ses actions au service de l'impact social et du bien-être. Entretien avec Céline Mas, cofondatrice de Love for Livres

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Pouvez-vous revenir sur la genèse de Love for Livres ?

Ce projet est né il y a près de 10 ans dans notre tête et a été lancé en 2020. Avec un ami chercheur d'origine américaine, nous étions frustrés de la manière élitiste dont était présentée les livres. Nous souhaitions rendre la lecture accessible au plus grand nombre. Bien souvent, les gens évoquent leur lecture en disant « j'ai lu un livre, ça m'a changé, ça a changé ma façon de voir les choses ». C'est ainsi qu'est venue l'idée de présenter les livres par le biais des émotions. De façon assez naturelle, il nous est apparu évident de placer les émotions induites par la lecture, au centre.

Quel est le profil des membres de la communauté sur la plateforme :

Nos membres sont majoritairement des femmes (70%). Nous accueillons beaucoup de 18-25 ans mais aussi des parents quadra, qui cherchent des inspirations avant de partir en vacances ou pour leurs enfants. Nous avons encore du mal à capter les seniors, sauf quand ils cherchent des lectures pour leurs petits-enfants.

Quelles sont les tendances de lecture en France ?

Le roman, les bandes dessinées et les Mangas sont en tête. Ces derniers prennent d'ailleurs de l'importance depuis quelques années car le genre s'enrichit. Il y a également le roman graphique qui tire son épingle du jeu. Partout sur les réseaux sociaux, les gens sont habitués à voir des images aux côtés de messages. Ces genres littéraires permettent de remettre la lecture au goût du jour.

Quel constat faites-vous de l'impact des écrans sur la lecture ?

Nous constatons un déclin quant au temps passé à lire, avec un décrochage vers 12-13 ans au moment du passage à l'adolescence et donc aussi aux écrans, en particulier vers les réseaux sociaux et séries. La tablette et les smartphones prennent de plus en plus de place et génèrent des problèmes d'attention et de concentration. Lire un livre permet de muscler le cerveau, de se concentrer et d'après des recherches récentes, cela libèrerait ce que l'on appelle l'hormone du « bonheur », la sérotonine, alors que lire ses messages sur les réseaux sociaux libèrerait de la dopamine, et activerait les mécanismes d'addiction. C'est pourquoi nous travaillons de plus en plus sur des projets liés à la santé publique, pour valoriser l'apport bénéfique de l'art et de la culture sur la mémoire, l'amélioration des qualités relationnelles, une attention plus soutenue...Je vous renvoie d'ailleurs à ce sujet à un excellent rapport de l'OMS qui date de 2019.[1]


Vous avez développé une approche originale de la « bibliothérapie », en quoi cela consiste-il ?

Dans nos interventions, nous mélangeons littérature en particulier les livres de fiction, sciences cognitives et émotions pour traiter un problème lié à la sphère personnelle ou professionnelle. A ma connaissance, nous sommes les seuls dans le monde à pratiquer la bibliothérapie de cette manière-là. Les thèmes sont variés : par exemple, trouver sa place dans sa famille, rebondir après le covid, prendre confiance en soi, travailler en équipe... Nous invitons les participants à explorer et à exprimer leurs émotions à travers des textes de fiction pour les inspirer. En même temps, nous leur partageons des données scientifiques liées au sujet traité pour les ancrer et favoriser leur apprentissage. Car les racines comptent autant que les ailes et on sépare trop souvent les deux !

Nous développons aussi des programmes ciblés, par exemple pour les personnes plus vulnérables avec des sujets comme réaliser son rêve, gérer son stress, dépasser un trauma. Également pour des managers sur leur rôle au travail, leur leadership et leurs émotions. Nous abordons également avec le grand public la question climatique. La bibliothérapie est un excellent moyen pour sensibiliser à des causes sans donner de leçons. En 2020, année de notre lancement effectif, nous avons été à l'origine d'une vingtaine d'ateliers pendant 6 mois et l'an dernier, plus de 150, en ligne ou dans la vie réelle. Dans le cadre de nos programmes européens, nous mesurons les effets de nos ateliers à chaud par un questionnaire à la sortie d'atelier et trois mois après pour voir comment les sessions décantent avec le temps. C'est passionnant de se rendre compte des déclics, des prises de conscience et nouvelles pratiques des participants. Le pouvoir des livres bat son plein !


[1] https://www.euro.who.int/fr/publications/abstracts/what-is-the-evidence-on-the-role-of-the-arts-in-improving-health-and-well-being-a-scoping-review-2019


 
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