DossierLe bâtiment se met à l'heure bas carbone

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1 - RE 2020 : quels impacts pour les artisans ?

Tendre vers la neutralité carbone implique de diviser par 20 les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments par rapport aux niveaux actuels en moins de 30 ans ! C'est colossal, mais envisageable en déployant une rénovation énergétique massive.

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Sécheresses, inondations, canicules, incendies, le dérèglement climatique n'en finit plus... De se dérégler. Même si elle agit depuis le premier choc pétrolier de 1973, en instaurant des réglementations thermiques de plus en plus contraignantes pour devenir moins énergivore, la filière bâtiment qui concentre environ le tiers des émissions de gaz à effet de serre nationale est encore montrée du doigt.

Selon un rapport du Haut Conseil pour le climat rendu public en novembre dernier, la France est à la traîne en matière de décarbonatation. Tendre vers la neutralité carbone implique de diviser par 20 les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments par rapport aux niveaux actuels en moins de 30 ans ! C'est colossal, mais envisageable en déployant une rénovation énergétique massive, l'emploi d'énergie bas carbone, et la sobriété des constructions.

Avec le plan France Relance dévoilé en septembre 2020 où la transition écologique est présentée comme un pilier, le bâtiment met enfin le pied dans la neutralité carbone d'ici 2050 avec pour feuille de route, la Stratégie nationale bas carbone.

Révéler la transition énergétique et environnementale

"Dès la mise en oeuvre de la Réglementation thermique (RT) 2012, j'avais installé un groupe de travail pluridisciplinaire pour mener une réflexion prospective : le groupe RBR (Réflexion Bâtiment Responsable). Il avait émis cette idée, diffusée, partagée très largement, et reprise par les gouvernements, qui était de dire que le cycle des réglementations thermiques est terminé, informe Philippe Pelletier, avocat et président du Plan Bâtiment Durable. Maintenant, nous entrons dans un cycle de réglementation environnementale avec, à côté de l'énergie, une prise en compte du poids carbone du bâtiment tout au long de son cycle de vie".

Lancé en 2009, force de proposition depuis auprès des pouvoirs publics, le Plan Bâtiment durable encourage à la collaboration entre tous les membres de la filière du bâtiment et de l'immobilier pour réfléchir à la transition énergétique et environnementale dans le secteur de la construction et de la rénovation. Plus d'une trentaine de chantiers à son actif : la mise en place de financements innovants, la question de l'obligation de rénovation énergétique dans le secteur résidentiel, l'éco-prêt à taux zéro, ou encore, la réflexion prospective sur la Réglementation environnementale (RE) 2020, promise à une application dans la construction au 1er janvier 2022.

La fin des réglementations thermiques

Qu'est-ce que cette RE 2020 change ? Elle inscrit la notion de confort d'été pour mieux vivre les vagues de chaleur, et introduit la prise en compte du poids carbone des bâtiments. Exit les énergies fossiles - fioul ou gaz - dans les logements. Les systèmes doivent exploiter une énergie renouvelable : poêle, pompe à chaleur, chauffe-eau solaire, réseaux de chaleur, etc.

Cette RE 2020 systématise aussi l'emploi du bois et de matériaux biosourcés qui stockent le carbone pendant la durée de vie du bâtiment. Car dans la ligne droite de la Stratégie nationale bas carbone 2050, la RE 2020 se concentre sur la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre d'un bâtiment, durant toute sa vie : de l'origine des matériaux utilisés jusqu'à la déconstruction, en passant par la construction et la phase d'exploitation, dans une logique d'analyse du cycle de vie (ACV) du bâtiment.

Cap sur la construction bas carbone

CQFD : les compagnons vont devoir se former aux nouveautés, et les entreprises monter en compétences pour répondre à ces marchés exigeants et challenger les maîtres d'oeuvre sur les orientations techniques les plus appropriées face aux enjeux du carbone.

Le BIM encore très peu diffusé, et à envisager, quand la RE 2020 va demander de jouer plus collectif. "Elle concerne tous les logements, maisons individuelles y compris. Les artisans sont nécessaires pour pousser la roue. Mais l'électricien seul, sans maçon, ni chauffagiste, n'y arrivera pas. Les groupements sont plus que jamais à envisager en englobant tous les lots dans une offre unique et en proposant une performance en fin de parcours", reprend Philippe Pelletier.

Ces groupements temporaires, voie d'avenir, "ont tout intérêt à s'envisager maintenant. Le marché est déjà là et de manière pérenne", appuie le président du Plan Bâtiment Durable.

Du bois et des mixités de solutions

Formation, montée en compétences, recrutements, adaptation aux enjeux carbone, investissement dans les capacités de production pour favoriser l'industrialisation et la préfabrication... Avec un matériau vertueux qui répond en tout point aux objectifs de la RE 2020 vers la neutralité carbone, la filière forêt-bois s'est mise en ordre de marche au travers de son Plan Ambition Bois 2030.

Son lancement, en cours de finalisation, a été annoncé pour ce début d'année. Un document stratégique qui vise bien sûr à booster la part des maisons bois neuves qui ne représente aujourd'hui que 15 % des constructions. Mais aussi à jouer collectif, "en s'engageant plus avant dans la structuration des solutions de mixité constructive du bois avec les autres matériaux", comme le béton qui se verdit ou l'aluminium qui se recycle.

Autre priorité pour ce Plan Ambition bois 2030 : optimiser l'utilisation des ressources françaises, ou encore la déconstruction et le réemploi en fin de vie du bois afin que son bilan carbone ne soit plus pénalisé face à d'autres matériaux non biosourcés. Mais capables de diviser leur empreinte par cinq comme des nouveaux bétons verts sans cuisson... Et sans décarbonatation.

Rénover pour relancer les commandes

Reste que comme le rappelle le président du Plan bâtiment Durable, un autre fer est au feu, "avec effet immédiat sur les carnets de commandes. Cet outil privilégié de la reprise économique est la rénovation des bâtiments mais pas seulement énergétique".

Après une année 2020 impactée par la crise sanitaire, le marché de l'amélioration-entretien pourrait compenser sa chute grâce aux effets de MaPrimeRénov'. Pour autant, "cette rénovation énergétique peut s'appréhender plus largement, dans une logique environnementale. Certains particuliers veulent en plus de l'énergie avoir la maîtrise du carbone, de la biodiversité, ou un lien entre bâtiment et mobilité", poursuit Philippe Pelletier.

Un autre marché n'est pas à négliger : celui du maintien des personnes âgées et à mobilité réduite qui demande des adaptations des logements. "C'est à l'occasion de ces exemples de travaux que l'on embarquera la rénovation énergétique", continue Philippe Pelletier tout en soulignant "que le monde de l'entreprise de manière générale qui accompagne le sujet de la rénovation a encore besoin de faire un effort en accroissant sa performance, en adaptant sa pédagogie à l'égard de sa clientèle, et quand il le peut en garantissant la performance et l'objet du contrat à terme. Il faut sécuriser le maître d'ouvrage par une offre groupée, intelligible, séduisante".

Avec des pratiques existantes à questionner et des solutions efficaces à partager pour construire mieux avec moins.

Luce Aromans

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