L'allaitement sur le lieu de travail : un outil d'attractivité en devenir ?
Le retour en entreprise à l'issue d'un congé de maternité rime souvent, pour les salariées, avec fin de leur allaitement. A tort ! Certains textes permettent de concilier la reprise d'activité avec la poursuite de l'allaitement. L'employeur peut même décider d'en faire un outil de fidélisation dans l'entreprise.
Je m'abonneContrairement à une croyance répandue, la reprise du travail n'est pas nécessairement inconciliable avec la poursuite de l'allaitement. En effet, le législateur offre à la salariée un temps de pause spécifique pour allaiter au travail.
L'heure d'allaitement : une obligation légale
Ainsi, le Code du travail prévoit que pendant une année à compter du jour de la naissance de son enfant, la salariée bénéficie d'une heure par jour durant les heures de travail pour allaiter au sein de l'entreprise. Ce temps particulier est réparti en deux périodes de trente minutes, l'une pendant le travail du matin, l'autre pendant l'après-midi. Ces moments d'arrêt du travail sont fixés d'un commun accord entre l'employeur et la salariée. A défaut, ils sont placés au milieu de chaque demi-journée de travail.
Ce temps de pause spécifique est réduit à vingt minutes lorsque l'employeur met à disposition de la salariée un local dédié à l'allaitement, à l'intérieur ou à proximité des locaux affectés au travail. Ce local doit répondre à des normes strictes en matière de santé et de sécurité au travail précisées avec moult détails dans la partie réglementaire du Code du travail.
De simple faculté, la mise à disposition d'un local spécifique peut se transformer en obligation dans les entreprises employant plus de 100 salariées, sous réserve qu'une mise en demeure préalable de l'Inspection du travail soit intervenue.
Notons qu'aux origines, l'esprit du législateur était de permettre à la mère de se faire amener son enfant sur son lieu de travail et de l'y allaiter. Cette pratique est tombée en désuétude : l'heure d'allaitement est à présent très largement utilisée par les femmes pour tirer leur lait.
Il n'en demeure pas moins, qu'en l'absence de modification des textes en vigueur sur ce point, l'employeur ne pourrait s'opposer à une demande de la salariée d'allaiter son enfant dans les locaux de l'entreprise.
A défaut, l'employeur s'exposerait au risque de se voir condamné à une peine d'amende prévue pour les contraventions de 5ème classe (d'un montant de 1 500 € pour une personne physique, porté à 7 500 € pour une personne morale).
Les dispositifs conventionnels au soutien de l'allaitement
L'allaitement est parfois spécifiquement traité par les conventions collectives qui peuvent ajouter des dispositions plus favorables au régime légal de base.
Ainsi, certaines branches organisent un congé d'allaitement à l'issue du congé de maternité. C'est le cas notamment de la branche des industries de l'habillement qui instaure au profit de la salariée allaitante un droit à congé sans solde d'une durée d'un an à compter de l'accouchement.
D'autres conventions collectives prévoient quant à elles une rémunération des temps d'allaitement, à l'instar de la convention collective nationale de l'industrie du pétrole qui précise que « [le] temps d'allaitement sera payé comme si les intéressées avaient travaillé ».
Enfin, certains textes conventionnels allouent aux salariées des temps de pause plus longs. On peut citer à cet égard la convention collective nationale des commerces et services de l'audiovisuel, de l'électronique et de l'équipement ménager qui prévoit au profit de la salariée, sous réserve de fournir un justificatif idoine, une autorisation d'absence pour allaitement d'une heure le matin et d'une heure l'après-midi jusqu'au 6ème mois de l'enfant.
Il est dès lors vivement recommandé de vérifier le contenu de la convention collective applicable afin de ne pas passer à côté de dispositions spécifiques parfois...insoupçonnées.
Faciliter l'allaitement : une réflexion RH pour l'entreprise
Les entreprises seront bien inspirées de se saisir de la question de l'allaitement lorsqu'elles ne sont pas déjà couvertes par un accord de branche pertinent.
En effet, la Chambre sociale de la Cour de cassation appelle à un toilettage des règles en vigueur – héritées d'une loi de 1917 – jugées obsolètes. La Haute juridiction suggère une réécriture des dispositions du Code du travail relatives au local d'allaitement, qui laissent pour l'heure de côté les entreprises employant moins de 100 salariées. Elle incite par ailleurs le législateur à se saisir de la question de la rémunération du temps d'allaitement afin de mettre la législation nationale en conformité avec la Charte sociale européenne.
Et au-delà de cette évolution normative qui s'annonce, la mise en place de mesures facilitant l'allaitement sur le lieu de travail peut s'avérer être un outil RH précieux afin de pérenniser la relation contractuelle avec la salariée, voire incitatif à la venue de certains talents.
L'entreprise pourra ainsi, par exemple, faciliter un retour plus rapide de la salariée dans l'entreprise à l'issue de son congé de maternité et éviter que le recours au congé parental d'éducation (qui peut se prolonger jusqu'au 3ème anniversaire de l'enfant) ne se fasse à défaut d'autres alternatives plus conciliantes et favorables à une poursuite concrète de la relation professionnelle.
A l'heure où le marché du recrutement se veut de plus en plus concurrentiel et alors que les entreprises sont davantage évaluées sur le socle de leurs valeurs, la thématique devrait nécessairement retenir l'attention.
Marie-Julie Mogentale, avocate en droit social chez Greenwich