La crise impose à chaque entreprise de réinventer son business model

Publié par le | Mis à jour le
La crise impose à chaque entreprise de réinventer son business model

Par Laurence Lehmann-Ortega, affiliate Professor, HEC Paris Business School La crise du coronavirus nous a forcés à mettre notre économie...

Je m'abonne
  • Imprimer

Par Laurence Lehmann-Ortega, affiliate Professor, HEC Paris Business School

La crise du coronavirus nous a forcés à mettre notre économie en pause. Cette pause impacte négativement les échanges mondiaux et la croissance ; ses implications sociales (perte de revenu et d'emploi, accroissement des inégalités, etc.) risquent de se révéler explosives.

Dans ce contexte, de nombreuses voix s'élèvent pour réclamer un changement de modèle : ne nous contentons pas de simplement de réappuyer sur le bouton " pause " pour relancer le modèle existant, profitons de cette opportunité pour le réinventer !

Contrairement à la crise économique de 2008, où nous redoutions de perdre notre emploi ou notre épargne, la crise actuelle a une résonance beaucoup plus humaine : notre crainte est de perdre notre vie ou celle de nos proches. Cette crainte génère un questionnement sur notre existence même, et conduira à modifier une partie des comportements des consommateurs, des salariés et des investisseurs.

Ces modifications affectent les trois composantes du business model (ou modèle économique) et obligent à les revisiter :

- La première composante du business model est la proposition de valeur, qui décrit ce que nous offrons à nos clients. Cette crise pousse les consommateurs à repenser leurs besoins fondamentaux, à questionner la nécessité d'une consommation à outrance. Pour y faire face, l'entreprise peut s'interroger sur le " job to be done ", c'est-à-dire le besoin brut, de base, auquel elle cherche à répondre. Ce questionnement permet d'innover et d'apporter des réponses originales, souvent frugales.

- La deuxième composante du business model est l'architecture de valeur, c'est-à-dire le mode d'organisation de l'entreprise pour remettre la proposition de valeur au client. La crise actuelle l'impactera d'au moins deux manières. Tout d'abord, cette crise a révélé les fragilités de nos filières d'approvisionnement : le recours à la délocalisation, fondé sur des critères presqu'exclusivement financiers, sera remis en cause. Ensuite, le recours massif au télétravail révèlera les avantages et les inconvénients de ce mode d'organisation et questionnera la quête de contrôle du management. Un retour en arrière paraît impossible !

- Enfin, l'équation de profit, troisième composante du business model, est elle aussi questionnée : le profit n'est pas une fin en soi, mais contribue à pérenniser la " raison d'être " de l'entreprise. Ainsi, clients, salariés et investisseurs interrogeront les entreprises sur leur rôle dans la société. Par exemple, LVMH y a répondu en produisant du gel hydroalcoolique sur ses chaînes de parfum.

Les entreprises doivent toutefois dans ce cas le risque d'être qualifiées d'opportunistes et de faire du " coronavirus washing ", notamment si ces réponses ne durent que le temps de la crise.

Cependant, en réalisant le puissant levier que constituent de telles initiatives, tant pour les clients que pour les salariés ou la société en général, elles peuvent renouveler leur réflexion sur leur " raison d'être " pour le rendre encore plus pertinent : en montrant qu'il est possible d'aligner de manière vertueuse profits, impacts environnemental et social.

C'est le tour de force réussi par les entreprises prônant l'économie circulaire, telle que Desso par exemple.

Cette crise peut-elle être considérée comme une opportunité pour appréhender une crise encore plus majeure : le changement climatique ? Cette crise sanitaire peut être vue comme une répétition générale de ce qui nous attend dans les années à venir.

En effet, le changement climatique induira de nombreuses crises, sanitaires ou migratoires, aux impacts encore plus drastiques sur l'économie. Cette crise préfigure malheureusement le futur. Si les dirigeants veulent sauver leurs entreprises, il faut limiter l'impact environnemental de leurs activités.

Or, sur les 100 plus grandes économies mondiales, près de 70 sont des entreprises : par leur empreinte globale et leur puissance, leur action sur le climat est considérable. Aujourd'hui, elles font partie du problème : espérons que cette crise leur fera comprendre qu'il en va de leur intérêt de faire partie de la solution.

Article publié en partenariat avec The Conversation.

The Conversation
 
Je m'abonne

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles

La rédaction vous recommande

Retour haut de page