Et si les artisans s'emparaient du photovoltaïque ?

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Et si les artisans s'emparaient du photovoltaïque ?

Par Grégory Blanchard, doctorant en sciences de gestion. Enseignant en négociation - vente, Groupe ESC Clermont et Anne Albert-Cromarias,...

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Par Grégory Blanchard, doctorant en sciences de gestion. Enseignant en négociation - vente, Groupe ESC Clermont et Anne Albert-Cromarias, enseignant-chercheur HDR, management stratégique, Groupe ESC Clermont

Le secteur du photovoltaïque, qui bénéficiait déjà de mesures favorables depuis 2019, devrait recevoir comme de nombreux autres secteurs de l'économie, des aides financières de la part de l'État dans le cadre du plan de relance.

Rappelons qu'en 2019, la part de l'énergie d'origine solaire dans le mix énergétique français s'élevait à 1,9 % - contre 5,1 % pour l'éolien.

Après une période faste en 2009 et 2010, le secteur a connu un effondrement massif et brutal, dont les causes sont multiples : concurrence des produits chinois, opportunisme financier de certains opérateurs, baisse des subventions et arnaques à répétition des particuliers par des entreprises commerciales sans réelles qualifications techniques.

De nombreux producteurs de panneaux solaires français ont alors fait faillite, comme Auversun dans le Puy-de-Dôme ou Solarezo dans les Landes. Aujourd'hui, neuf des dix plus grands fabricants de panneaux solaires dans le monde sont Chinois. La production française est quant à elle amorphe, avec quelques acteurs encore en place comme Voltec, Sillia ou encore Photowatt, racheté par EDF à la demande de l'État en 2012.

La crise pourrait être l'occasion de donner au secteur une nouvelle impulsion en encourageant les artisans à investir la filière d'installation, ce qui favoriserait également la relocalisation de la production de panneaux solaires.

Jusqu'ici quasiment absents du secteur solaire au profit des grands groupes (Engie, EDF) et d'entreprises de taille intermédiaire comptant sur une force commerciale importante, les artisans pourraient devenir le fer de lance de la nouvelle dynamique solaire française.

Ils jouissent en effet d'une bonne confiance auprès de leurs clients et se fournissent majoritairement localement, là où les entrepreneurs commerciaux et les grands groupes explorent la concurrence étrangère et préfèrent acheter moins cher à l'autre bout du monde. L'émergence d'une demande " made in France " chez les Français joue également en faveur des artisans.

Les pouvoirs publics ont ici l'occasion de surfer sur la crise pour recréer la filière solaire, en évitant les erreurs du passé. Écarter les acteurs opportunistes qui ne visent que le profit au détriment de la qualité d'installation et génèrent des litiges commerciaux, favoriser l'artisanat local pour créer une filière d'installation stable, solide et fiable et nouer une relation de confiance avec les consommateurs. Cela permettrait de créer des débouchés commerciaux pour une industrie de fabrication.

Un tel changement de direction implique de lever trois obstacles. Le premier concerne les barrières à l'entrée que sont le prix des assurances (décennales et sinistres, par exemple) et les " labels " obligatoires pour devenir installateur agréé (qui permettent aux particuliers d'accéder au crédit d'impôt). Bien qu'utiles pour sécuriser les travaux, ces derniers demandent beaucoup de temps et d'argent, deux ressources fort précieuses voire rares pour les très petites entreprises de l'artisanat.

Le deuxième frein est la maîtrise de l'offre : pour que les artisans soient en mesure de proposer et commercialiser, il sera nécessaire de diriger vers ce public des actions de formations importantes sur l'aspect commercial et administratif. Car avant d'installer et de vendre, il faut convaincre. Et pour convaincre dans le solaire, il faut savoir présenter aux clients les subventions, les réglementations, les démarches administratives préalables à l'installation, les conditions de revente ou d'autoconsommation. Bref, un ensemble complexe mais indispensable d'informations.

Enfin, les clients des artisans devront pouvoir accéder à des financeurs. L'installation solaire coûte très cher et les grosses entreprises qui s'en chargent pour l'instant proposent souvent une offre dans laquelle sont inclus la pose et le crédit pour financer les travaux. Il s'agirait pour l'État d'octroyer aux clients des artisans des prêts à taux zéro facilement accessibles, afin de soutenir la filière.

Une fois ces trois freins levés, les artisans pourront investir un secteur qui leur est actuellement presque inaccessible.

L'État a tout à gagner en orientant fortement la filière solaire vers l'artisanat : création de petites entreprises et d'emplois de proximité (dont on sait qu'ils sont durables et peu délocalisables), achats de panneaux solaires fabriqués en France, diminution des gaz à effets de serre, valorisation du parc immobilier des particuliers.

Rappelons enfin que l'artisanat du bâtiment, qui représente tout de même près de 2 % du PIB national, est le secteur économique français qui dégage le moins de marge, avec à peine 11 %. Rediriger une activité à forte valeur ajoutée comme le solaire serait salvateur pour des milliers de petites entreprises dans les mois et les années à venir.

Article publié en partenariat avec The Conversation.

The Conversation
 
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