Quels incentives économiques pour booster les acteurs éco-sociaux ?

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Quels incentives économiques pour booster les acteurs éco-sociaux ?

Mise en place d'une TVA circulaire, durcissement de la fiscalité environnementale ou encore renforcement du rôle des monnaies locales. Le...

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Mise en place d'une TVA circulaire, durcissement de la fiscalité environnementale ou encore renforcement du rôle des monnaies locales. Les réflexions autour de la nécessité de redonner de l'attractivité au prix des produits et services eco-sociaux sont légions.

Romain Ferrari en est convaincu : notre économie de marché souffre d'un sérieux dysfonctionnement qui voit "les produits et les services éco-sociaux être cantonnés à une niche de car ils sont plus chers que la moyenne". Le fondateur de la Fondation 2019 a donc fait de la prise en compte du coût des impacts environnements et sociaux (le concept d'externalité) dans le prix global d'un produit ou d'un service son combat quotidien. C'est loin d'être un luxe pour développer une économie soutenable, estime-t-il, alors que seuls 36% des Français se disent prêts à payer 10% plus cher des produits reconnus comme préservant l'environnement contre 66% en 1994, selon une récente étude réalisée par le Credoc.

La Fondation 2019 est, avec l'Ademe, à l'origine d'une expérimentation portant sur la mise en place d'une TVA circulaire qui favoriserait les produits éco-conçus. Le principe est simple : rétrocéder aux produits les plus vertueux le gain d'externalité qu'ils occasionnent en leur application un taux de TVA différentié. Cette TVA ramenée de 20 à 10% dans l'exemple donné par Romain Ferrari s'appliquerait en priorité sur des produits de première nécessité, pour une durée de 3 à 5 ans.

Eco-conçue

Plusieurs partenaires industriels, dont le groupe Seb, ont embarqué dans une aventure qui concerne trois domaines (mobilier, électroménager et services de nettoyage) et dont Romain Ferrari espère pouvoir communiquer les premiers résultats d'ici octobre prochain. Pas une mince affaire alors qu'il s'agira de mesurer et matérialiser les différences d'externalités entre une offre classique et une offre éco-conçue pour justifier la mise en place de cette TVA circulaire. "Nous aimerions pouvoir nous appuyer un peu plus sur les travaux complémentaires de post-doctorants sur le sujet", regrette un Romain Ferrari qui sait que le chemin sera long. L'autre challenge sera de démontrer que la perte de recette fiscale engendrée par cette TVA réduite peut être compensée par la baisse de certaines dépenses publiques grâce aux bénéfices pour la collectivité (baisse de la pollution ou amélioration de la santé des citoyens). Pas plus évident. "On a bien conscience qu'il est compliqué de traduire le mal-être d'un consommateur en coût euros", explique Romain Ferrari.

La proposition de la Fondation 2019 ne figure pas dans la pré-feuille de route pour une économie circulaire qui a récemment été dévoilée. Trop compliqué pour le ministère de l'environnement de s'engager sur un sujet aussi structurant sans l'aval de Bercy. D'autant que l'annexe 3 de la directive européenne actuelle n'autorise l'application de taux réduits que pour certains secteurs. et les produits éco-conçus n'en font pas partie. La bonne nouvelle, c'est que Pierre Moscovici a annoncé en janvier dernier qu'il voulait en revoir le fonctionnement pour donner plus de libertés aux Etats sur ce terrain-là. Dont acte.

Fiscalité environnementale

Lui aussi apôtre de la prise en compte des externalités, Jean-Guillaume Peladan, directeur de la Stratégie Environnement chez Sycomore Asset Management, est plus prudent sur le sujet de la TVA circulaire. "C'est une mécanique très compliquée à mettre en place. Il faudrait notamment être capable de calculer une moyenne des externalités par type de produits." Pragmatique, le dirigeant est plutôt partisan d'un durcissement des taxes appliquées aux pollueurs. Un sujet sur lequel la France peut bien mieux faire à en croire un récent état des lieux du Ministère de l'agriculture qui nous classe à la 22e place des 28 pays de l'UE en termes de part de la fiscalité environnementale dans le PIB. Ce taux est de 2,1% pour la France contre 4,1% pour le meilleur élève, le Danemark. Il n'a eu de cesse de baisser depuis 1995 alors qu'il était de 2,5%.

"On voit que d'autres pays ont des fiscalités environnementale nettement plus développées et que cela marche bien", note Jean-Guillaume Peladan. C'est notamment la faiblesse relative des taxes sur les transports qui nous distingue de nombreux pays européens. Elles sont effectivement plus faibles d'environ 0,2 point de PIB, soit environ 40 %, par rapport à la moyenne de l'UE 28. On peut citer, entre autres, le gros cadeau fiscal fait par l'Etat aux compagnies aériennes, sous la forme d'une exonération intégrale de la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE, ex-TIPP). Le kérosène est ainsi le seul carburant d'origine fossile dont la consommation n'impose aucune taxe.

Patience

C'est une certitude, changer les règles du jeu fiscal prendra du temps, entre les lobbys des uns (secteur privé) et les hésitations des autres (pouvoirs publics). Dans tous les cas, il est indispensable pour Jean-Guillaume Peladan, de donner "un maximum de visibilité à tous les acteurs de la société qui vont être impactés par ses changements."

Les instruments de mesure des externalités sur lesquels planche la Fondation 2019 ont quant à eux retenu l'attention du comité de pilotage de la feuille de route de l'économie circulaire, qui y voit un outil intéressant pour développer une autre des préconisations de Romain Ferrari : l'instauration d'une logique d'achats publics au coût cycle de vie. "Lorsqu'une collectivité achète par exemple une flotte de véhicules, elle devra intégrer le coût des externalités (pollution de l'air, réchauffement climatique.) dans le coût global avant de prendre sa décision", illustre le patron de la Fondation 2019.

C'est une des prérogatives de la directive européenne et un sujet sur lequel la France est en retard par rapport à certains de ses voisins. Certaines villes européennes ont déjà instauré le système au moment de lancer des consultations pour l'achat d'un parc automobile, par exemple. "Beaucoup de collectivités de l'Hexagone aimeraient pouvoir s'y mettre mais ne le font pas, faute d'outils appropriés", commente Romain Ferrari.

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Autre sujet : l'émission de monnaie complémentaire comme moyen de sortir les produits locaux et bio de la niche à laquelle ils sont cantonnés. La Fondation 2019 recherche actuellement une région prête à lancer une expérimentation sur ce terrain-là, l'année prochaine. La région alloue un budget de plusieurs centaines de milliers d'euros pour l'émergence d'une filière bio locale. Ce budget serait converti en monnaie locale et distribué à des entreprises rigoureusement sélectionnées. Ces dernières pourraient alors récompenser le consommateur en lui reversant un pourcentage de l'achat effectué en monnaie complémentaire. Une mécanique inspirée du cashback mis en place par les entreprises de l'e-commerce qui permettrait de redonner du pouvoir d'achat au citoyen tout favorisant les circuits-courts. "Pour ce POC, proof of concept, un organisme comme Ecocert aurait toute légitimité à certifier les membres."

Un bon exemple de collaboration entre acteurs du privé et secteur public pour donner naissance à un instrument économique susceptibles de rendre les produits eco-sociaux financièrement plus attractifs.

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