IT et RSE : un mariage de raison

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IT et RSE : un mariage de raison

Les projets de digitalisation poursuivent leur lancée, parallèlement aux déploiements RSE, toujours plus fréquents dans les organisations. Si la donnée numérique pollue, inclure de l'écoresponsabilité dans les développements IT n'est pas impossible.

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En mars 2021, le gouvernement a présenté sa feuille de route destinée à limiter l'empreinte écologique du numérique. Ce domaine devenu incontournable tant dans la vie privée que dans la sphère professionnelle de tous, représente déjà 5 à 10% du bilan carbone de la France, tandis que l'avènement proche des objets connectés et des technologies 5G s'apprête à augmenter considérablement cette part.

Il sera question à l'avenir de soutenir les acteurs du numérique tout en imposant des diminutions importantes de la consommation énergétique des datacenters de l'Hexagone. Le but est de s'inscrire dans les objectifs du Décret Tertiaire et de la Loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte (LTECV) avec en ligne de mire une baisse de 40% d'ici 2030 et de 60% d'ici 2050.

Alors que les initiatives en faveur de la digitalisation des processus touchent d'innombrables services les entreprises de tous les secteurs, les restrictions indispensables semblent poser une équation impossible à résoudre.

Manque de consensus sur les solutions

Constance Névoret, CEO du fournisseur de prestations IT LittleBig Connection et présidente du développement durable de son entité propriétaire Mantu, constate un changement fort qui s'opère récemment : "pendant longtemps, on ne s'est pas du tout inquiété de l'impact environnemental des usages numériques. Aujourd'hui, on n'a plus de doute sur les effets néfastes qu'ils induisent. Il y a une prise de conscience du poids de plus en plus important qu'ils représentent. Les clients attendent d'ailleurs des démarches dans ce sens dans les domaines."

Mais si le problème est connu dans les grandes lignes, "il n'existe actuellement pas de connaissances fortes quant aux bonnes réponses RSE à apporter concrètement dans l'IT, afin de pouvoir utiliser les nouvelles technologies de manière vertueuse et raisonnée. On manque globalement d'éducation sur ce plan", estime Fabienne Touchard, Regional Marketing Manager, SEMEA & Benelux / EMEA Channel Marketing Manager, au sein de l'entreprise Validity, spécialisée en gestion de la qualité des données.

Les pollutions nouvelles se trouvent au bout de chaque clic au quotidien. Un email envoyé génère en moyenne 20 grammes de CO2. Son seul stockage équivaut déjà à 10 grammes de CO2. "On considère qu'environ 30 mails par jours sur une année complète représentent un trajet en voiture de 1 500 km. Une société de 100 collaborateurs génère en conséquence des émissions équivalentes à 14 allers-retours Paris - New-York en avion, rien qu'en matière de messagerie", illustre Fabienne Touchard.

Labellisation et choix technologiques

Avec les différents que les entreprises doivent relever, "comment faire pour que ce domaine ne soit pas le dernier souci des dirigeants ?, s'inquiète Fabienne Touchard. Il faut trouver des solutions incitatives pour intéresser directement les organisations à opérer des changements."

La labellisation forme un élément important, à l'image d'EcoVadis ou d'autres labels qui disposent de des critères environnementaux, éthiques, relatifs aux conditions de travail. "Dans l'IT, c'est plus compliqué qu'ailleurs d'appliquer une politique RSE, mais ce n'est bien sûr pas impossible, indique Constance Névoret. Nous avons amorcé plusieurs démarches en interne. Nous réduisons l'impact carbone de notre plateforme, avec des développements en adéquation avec des normes et seuils à respecter. Notre démarche consiste par exemple à aller au plus direct technologiquement lorsqu'il s'agit de développer un code, pour limiter la consommation de ressources."

LittleBig Connection s'est également tourné vers un fournisseur cloud engagé dans des efforts "verts", qui s'implique activement auprès d'associations et s'investit dans des mesures visant à faire baisser les consommations d'eau (WaterUsage Efficiency), ainsi que les consommations d'énergie (PowerUsage Efficiency) au sein des datacenters. "Nous avons par ailleurs mis en place une labellisation pour mettre en avant des prestataires qui se caractérisent par leur côté écoresponsable en IT, ajoute Constance Névoret, précisant que dans le contexte actuel d'omniprésence des nouvelles technologies, entreprendre une démarche RSE sérieuse et constructive sans inclure des achats IT devient impossible."

Un essor du cloud "vert"

Dans son livre "L'enfer numérique. Voyage au bout d'un like" (Editions Les Liens Qui Libèrent, 2021), l'auteur Guillaume Pitron révèle qu'en région parisienne, les datacenters capteront un tiers de l'électricité du Grand Paris dans quelques années à peine. Selon le Shift Project, un think-tank qui oeuvre en faveur d'une économie libérée de la contrainte carbone, 80% des émissions de CO2 sont dues aux productions matérielles des nouvelles technologies. Là encore, les datacenters se trouvent sous le feu des critiques. Certains fournisseurs cloud cherchent dans ce contexte à faire de la RSE un atout démarquant, à l'image de 3DS OutScale, certifié Lucie 26000 (labellisation validant une démarche RSE) depuis 2018. Sa consommation électrique par serveur a baissé de 4% entre 2019 et 2020, à usage équivalent. La collecte d'eaux de pluie a été mise en place dans certains datacenters en vue des refroidissements nécessaires, ainsi qu'une récupération de la chaleur produite, reversée dans des projets urbains.

Enfin, la mesure des bilans carbone et le respect des engagements s'avèrent plus simple pour le domaine de l'achat direct de matériels, avec les appareils reconditionnés, la location d'équipements au lieu de l'acquisition, l'intégration de critères RSE au moment des appels d'offres, des suivis contractuels.

Des bonnes pratiques au long cours

Dans son rapport publié en 2020 et intitulé "Sobriété Numérique dans les grandes organisations", le CIGREF rappelle que "le numérique a permis de faire émerger de nouveaux modèles économiques, davantage fondés sur l'usage que sur la possession, sur le service que sur le produit. Ces fondements sont ceux d'une économie circulaire au service de l'environnement et d'une croissance plus durable."

L'association, qui regroupe la majorité des responsables numériques des grandes entreprises françaises, invite ainsi à respecter ces principes coûte que coûte. Elle décline dans sa publication les grandes étapes d'une démarche exemplaire. L'implication de la direction générale, la modernisation des infrastructures et l'acculturation des utilisateurs au travers d'actions de sensibilisation, de formation et d'accompagnement, forment des axes essentiels. Il importe également de convaincre et déclencher les décisions, en démontrant la valeur des projets numériques jugées sobres énergétiquement, en anticipant l'impact des réglementations, ou encore en définissant de façon des exigences vis-à-vis des fournisseurs. Sur un plan organisationnel, le CIGREF préconise aussi un pilotage et une coordination des actions par l'intermédiaire d'une gouvernance dédiée.

Tous les salariés sont par ailleurs concernés par les bons réflexes à adopter, indépendamment des grandes décisions stratégiques. "Il est inutile de remercier systématiquement lors de la réception d'emails, ou d'inclure dans les réponses à toutes les personnes adressées en copie, qui plus est avec l'historique des échanges intégrés", rappelle Fabienne Touchard.

Concilier optimisation et sobriété de la donnée

Et si le recours raisonné aux solutions numériques passait par l'innovation technologique ? L'idée paraît a priori saugrenue. Pourtant, les systèmes d'information des organisations regorgent de circulation de données selon des règles non pertinentes, et au bout du compte, consommatrices d'énergies pour un résultat nul. L'un des exemples les plus éloquents dans ce sens est sans doute les multiples messages ou posts adressés à des prospects et clients, et qui s'avèrent inadaptés à leur destinataire.

Le défi est de rationaliser l'information le plus pertinemment possible. Entre les sites physiques, les plateformes d'e-commerce, ou les réseaux sociaux, les échanges des entreprises sont innombrables. Jean Barret-Castan, fondateur et dirigeant de l'entreprise CoperBee, spécialiste de la transformation digitale des entreprises, explique que "la centralisation des informations dans un CRM avec la génération d'un scoring basé sur des paramètres tels que sur le nombre de fois qu'un client visite un site web, le nombre d'abandons de paniers, le nombre et la nature de commentaires sur les réseaux sociaux, constitue dès lors une démarche intéressante. Au final, le but est alors de pousser des informations en tenant compte du type de besoins précis, des enjeux de gestion de stocks, d'approvisionnements, pour faire converger et remonter aux bons interlocuteurs les bonnes informations dans le bon timing."

 
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