[Interview exclusive] Olivia Grégoire annonce le lancement de la plateforme Impact pour publier les indicateurs écologiques, sociaux et de gouvernance de toutes les entreprises françaises

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[Interview exclusive] Olivia Grégoire annonce le lancement de la plateforme Impact pour publier les indicateurs écologiques, sociaux et de gouvernance de toutes les entreprises françaises

Plateforme Impact, feuille de route ESS et responsable, PTCE, projets et défis : la secrétaire d'état chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable se confie à EKOPO.

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Plateforme Impact, feuille de route ESS et responsable, PTCE, projets et défis : la secrétaire d'état chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable se confie à EKOPO.

Emilie Kovacs: Pouvez-vous nous en dire plus sur Impact dont vous annoncez officiellement le lancement ce matin ?

Olivia Grégoire : Nous lançons aujourd'hui la plateforme Impact, qui permettra à toutes les entreprises volontaires, de la TPE au CAC 40, de publier leurs données de performance environnementale, sociale et de bonne gouvernance (ESG). C'est un mouvement des entreprises responsables, celles qui savent faire des choses mais ne savent pas comment le faire savoir, celles qui veulent faire des choses mais ne savent pas par où commencer. Co-conçue avec une centaine d'entreprises engagées, la plateforme Impact pose les bases opérationnelles d'un capitalisme plus responsable. En anticipation de la réglementation européenne des prochaines années, elle offre la possibilité aux entreprises qui le souhaitent de remplir tout ou partie de 47 indicateurs écologiques, sociaux ou de gouvernance, qui donnent un premier aperçu des efforts qu'ils ont engagés pour leur transition vers des modèles plus responsables.

L'ensemble des indicateurs déposés par les entreprises seront rendus publics dans les semaines à venir. Dans les prochains mois, plusieurs améliorations seront apportées à la plateforme, notamment la possibilité de publier des indicateurs pré-remplis à partir des données dont dispose déjà l'administration, la possibilité pour les entreprises de publier des informations sectorielles ou individuelles, ou encore la mise à disposition d'un tableau de bord personnalisé de la performance extra-financière.

Emilie Kovacs : Pouvez-vous nous détailler votre feuille de route ESS et responsable ?

Olivia Grégoire : Mon objectif est de rendre toute sa dimension économique au social et au solidaire : l'ESS, ce n'est pas une économie à contretemps mais au contraire une économie avec un temps d'avance, dont les valeurs infusent aujourd'hui largement le reste de l'économie.

Je travaille ainsi avec mes homologues européens et avec les entreprises françaises pour déterminer notre position en matière de performance extra-financière. La question, c'est de s'atteler à définir des indicateurs qui permettent de juger de la dynamique écologique et sociale de toutes les entreprises. Là encore, l'économie sociale et solidaire a beaucoup à nous apprendre.

Mais la priorité c'est de gérer l'urgence. L'ESS est en première ligne face à la crise. A la fois parce que ses structures et ses acteurs, en particulier dans le médico-social, sont directement aux prises avec les populations que la crise met à l'épreuve et font face à un afflux des besoins mais aussi parce que ses structures, moins bien dotées en trésorerie et moins bien équipées pour accéder aux financements, ont plus de difficultés que le reste de l'économie à résister à la chute d'activité. C'est la raison pour laquelle j'ai rappelé la pleine éligibilité des structures de l'ESS à toutes les aides ouvertes aux entreprises face à la crise et c'est pourquoi j'ai aussi mis en place un dispositif complémentaire, urgence-ess.fr, un guichet unique permettant aux petites structures de l'ESS de bénéficier d'une aide supplémentaire allant de 5000 à 8000 euros.

Ce n'est qu'une fois qu'on aura aidé les structures de l'ESS à passer la crise qu'on pourra s'appuyer sur elles pour nous la faire dépasser. Et c'est dans cette logique que je mets en oeuvre avec eux le Plan de relance, les contrats à impact ou les PTCE qui sont des outils pour permettre à l'ESS de changer d'échelle.


Emilie Kovacs : Pourquoi les PTCE (Pôles Territoriaux de Coopération Economique) sont-ils votre priorité ?

Olivia Grégoire : Les PTCE (Pôles Territoriaux de Coopération Economique) sont l'une de mes priorités en termes de relance des dynamiques territoriales de l'ESS. C'est un véritable outil d'essaimage de l'ESS dans nos territoires. Si ce terme peut sembler " barbare ", et peu connu, c'est en réalité un levier formidable pour imaginer des passerelles entre l'économie sociale et le reste de l'économie. Concrètement, on fonde des pôles de solidarité entre acteurs locaux afin d'encourager leurs synergies et donc à la fois leur développement économique et le développement du territoire.

Afin de créer des vocations mais aussi d'aider ceux qui existent déjà à aller plus loin, j'ai présenté une nouvelle stratégie dédiée à ces PTCE, autour de 3 axes :

Un appel à manifestation d'intérêt pour les " PTCE émergents ", que je lance aujourd'hui pour une durée de trois ans, avec une première vague ouverte pour six mois, jusqu'au 12 novembre ;

Une offre complète de services à destination des PTCE existants, qui se met en place progressivement depuis quelques semaines, et qui sera présentée dans le courant du mois de juillet ;

Une animation nationale et partenariale de la nouvelle dynamique des PTCE, qui s'appuiera en particulier sur les Chambres régionales de l'ESS (CRESS), nos premiers relais sur le terrain.

Emilie Kovacs : Quelle est votre définition de l'économie responsable ?

Olivia Grégoire : L'économie responsable, c'est le résultat de la transformation profonde que nous vivons depuis au moins une décennie, à savoir le passage d'une société de la consommation à une société de la responsabilisation, une société où le consommateur est passé du rôle de spectateur à celui d'acteur.

L'entreprise est donc mise en face de nouvelles exigences : celles du citoyen sont d'ailleurs de plus en plus celles du régulateur. C'est la raison pour laquelle je travaille sur une économie responsable qui traduise la dynamique d'impact. Lorsque la comptabilité des entreprises mettra au même niveau le bilan financier et le bilan en matière environnementale, sociale et de gouvernance selon des normes robustes définies au niveau européen, alors nous aurons fait un grand pas pour ancrer l'économie responsable. Cette prise en compte de la performance globale des entreprises est en cours, nous y travaillons avec nos partenaires européens, dans le cadre d'une directive s'intéressant à la " Corporate Sustainability Reporting " (CSRD, pour les intimes).

Emilie Kovacs : Quelles sont vos actions et résultats à date?

Olivia Grégoire : Ce n'est pas en quelques lignes que je pourrai vous faire le bilan de 10 mois de travail en continu, mais si je devais lister les quelques grands accomplissement des derniers mois, je souhaiterais mettre l'accent sur deux choses, une pour l'ESS, une pour l'économie responsable :

Pour l'ESS, j'ai obtenu un financement exceptionnel dans le cadre du Plan de relance : 1,3 milliard d'euros, un montant inédit mis en service, notamment, par une quinzaine d'appels à projets. Tous sont aujourd'hui ouverts et mis en oeuvre sur un spectre large et varié, allant de la lutte contre la précarité, l'inclusion numérique, les " Fabriques des territoires " en faveur des tiers lieux, vitaux pour nos territoires.

Sur l'économie responsable au sens large, je suis fière aussi de ce que nous avons obtenu en faveur de la commande publique responsable, avec l'inclusion d'un critère écologique dans tous les marchés publics dans le projet de loi " Climat & Résilience ". C'est un sujet qui concerne l'ESS bien sûr et qui dépasse son cadre aussi : la commande publique est un levier de la transition écologique et de la responsabilisation de notre économie.

Emilie Kovacs : Quels sont vos projets pour les mois qui viennent?

Olivia Grégoire : L'économie responsable est le défi du XXIe siècle, il y aura donc toujours des projets à conduire pour l'amplifier. Pour ma part, je suis avec attention les travaux de Finance For Tomorrow à qui j'ai confié la mission de développer la finance à impact en France. La finance à impact, c'est l'alliance de la rentabilité et de la durabilité, un enjeu au coeur de notre modèle de développement pour les années qui viennent.


Emilie Kovacs : Quel rôle l'ESS et responsable va-t-elle jouer dans la transition économique et écologique de la France ?

Olivia Grégoire : L'argent est le nerf de la guerre. Si l'économie évolue, en intégrant les enjeux environnementaux et sociaux, c'est tout le capitalisme qui vivra son renouveau pour un modèle qui mettra l'écologie à la portée de tous, et l'économie au service de l'écologie. C'est d'ailleurs toute l'ambition portée par le projet de loi Climat et Résilience, dont je porterai le Titre " Produire et Travailler " au Sénat dans les semaines à venir.

 
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