Quelles stratégies pour réussir la décarbonation de l'industrie en France ?

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Quelles stratégies pour réussir la décarbonation de l'industrie en France ?

La réduction des émissions de carbone de l'industrie, si elle est désormais inévitable, nécessitera des investissements importants. Elle fait appel à des efforts coordonnés entre les différents gouvernements européens, les acteurs économiques et la société tout entière.

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Le chemin vers la décarbonation sera long, coûteux et les défis nombreux. Pour réduire leurs émissions, les industriels devront procéder à un examen détaillé de chaque installation, étudier les options les plus pratiques ou les plus économiques et imaginer de nouvelles solutions avec d'autres parties prenantes.

Le secteur industriel : une source essentielle de richesse et de prospérité

Les activités manufacturières représentent environ 12% du PIB national français. Ce secteur fondamental au développement du pays a également un fort impact sur l'environnement. En 2019, environ 18% des GES provenaient de l'industrie. Or, le secteur a fait des efforts conséquents pour diminuer son impact sur l'environnement : entre 1990 et 2019, le secteur a réduit de 46% ses émissions, contre 20% pour la France entière. Malgré la mauvaise image de l'industrie en France, les investissements dédiés à la transition écologique et énergétique par le secteur privé et la forte diminution des émissions de l'industrie depuis des années, témoignent d'une réelle prise de conscience. Réduire les émissions industrielles de GES ne sera pas facile, mais cela est possible et certaines actions ont déjà été mises en place : amélioration de l'efficacité énergétique, passage à l'électrique, utilisation de l'hydrogène et de la biomasse comme matière première ou combustible, plafonnement des émissions de carbone...

Si des financements existent en France (Plan de relance, Plan « France 2030 ») et dans les autres pays européens, la décarbonation de l'industrie coûtera plusieurs dizaines de milliards d'euros. La transition nécessitera l'accélération de la construction de capacités d'énergie renouvelable, afin de fournir 4 à 9 fois plus d'énergie propre que ce dont l'industrie aurait besoin en l'absence de tout effort de réduction des émissions.

Les obstacles et les défis de la réduction des émissions de CO2 du secteur

La grande majorité des émissions de l'industrie, soit 90%, est constituée de CO2. La plupart de ces émissions sont produites dans des processus de combustion très spécifiques, qui ne peuvent pas être soulagés avec un changement de type de combustible. L'utilisation de combustibles fossiles produit une chaleur à très haute température ; certaines industries ont besoin de fours à 700°C ou 800°C, une température difficilement égalable avec l'électricité sans carbone dans l'état actuel de la technologie.

D'autre part, les processus industriels sont hautement intégrés : toute modification d'une partie d'un processus doit s'accompagner de modifications des autres parties de la chaîne de production. Enfin, les installations industrielles ont une durée de vie qui dépasse généralement 50 ans avec un entretien régulier. La modification des processus sur les sites existants nécessite des reconstructions ou des mises à niveau très coûteuses, sans parler de l'impact économique sur les consommateurs d'une production beaucoup plus chère, avec des produits très en dessus des prix actuels.

Quelles options pour la décarbonation industrielle ?

Malgré ces défis, les entreprises peuvent baisser leurs émissions de CO2 de manière considérable en combinant plusieurs approches. Les plus prometteuses sont l'amélioration de l'efficacité énergétique, l'électrification de la chaleur, l'utilisation d'hydrogène fabriqué avec de l'électricité sans carbone comme matière première ou combustible, l'utilisation de la biomasse comme matière première ou combustible et le captage et le stockage du carbone (CSC) ou son utilisation (CCU). La combinaison optimale d'options de décarbonation variera d'une installation à l'autre, même au sein d'un même secteur, car les facteurs locaux déterminent celles qui sont les plus pratiques ou les plus économiques.

Les plus importants sont la disponibilité et le coût des sources d'énergie à faible teneur en carbone, en particulier l'électricité renouvelable sans carbone et la biomasse produite de manière durable. L'accès à la capacité de stockage du CO2 capté, ainsi que le soutien public et réglementaire au stockage du carbone, aura une incidence sur la possibilité de mettre en oeuvre le CSC.

Ainsi, la réalisation de la double transformation des secteurs énergétique et industriel nécessitera des efforts coordonnés par l'ensemble de l'économie. Les gouvernements peuvent élaborer des feuilles de route pour la décarbonation industrielle à niveau local et régional afin de créer des perspectives plus sûres pour les entreprises industrielles et électriques et de débloquer des investissements avec des temps de retour sur investissement plus longs.

Les gouvernements peuvent également adapter les réglementations et les incitations pour soutenir la décarbonation et favoriser par exemple les investissements dans les capacités de production d'énergie renouvelable en modifiant les exigences financières imposées aux services publics et aux autres entreprises impliquées dans la production et la distribution d'énergie.

Préparer le terrain de la décarbonation

Les entreprises industrielles peuvent réduire considérablement leurs émissions de carbone, mais uniquement en collaborant avec d'autres parties prenantes pour trouver des possibilités de collaboration : par exemple co-investir dans une infrastructure commune de stockage du carbone ou soutenir la recherche et le développement de technologies de décarbonation prometteuses.

Une planification conjointe et une action opportune peuvent accélérer le développement de technologies à faible émission de carbone pour l'industrie et aider à coordonner la double transformation des secteurs énergétique et industriel. Pour les entreprises industrielles et les autres organisations, le moment est venu d'entamer cette transition.

Pour aller plus loin :

Philippe Portenseigne, directeur Innovation & Energy au sein du groupe Epsa

Passionné par l'innovation et le développement des entreprises, Philippe Portenseigne accompagne depuis plus de 10 ans des entreprises de toutes tailles dans la transformation de leurs modèles (déploiement opérationnel et mobilisation des ressources financières).




 
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